LES “ARMÉES DE L’OMBRE” DE L’EUROPE

LES “ARMÉES DE L’OMBRE” DE L’EUROPE

Le 6 octobre dernier, Lighthouse Reports a publié une vidéo sur son compte twitter révélant la campagne européenne d’hommes masqués chargés de refouler les demandeurs d’asile aux frontières de l’UE. Sur cette vidéo, on peut clairement voir des hommes masqués frapper des demandeurs d’asile à coups de matraque alors qu’ils tentent de s’enfuir et entendre les cris des personnes battues.  L’organisation à but non lucratif signale des cas similaires en Croatie, en Grèce et en Roumanie.

Grâce aux témoignages des victimes ou d’anciens policiers ou gardiens, à des séquences vidéo, et après avoir tracé les fonds donnés par l’UE, Lighthouse Reports a rassemblé des preuves solides démontrant l’implication de l’UE et des gouvernements nationaux. L’organisation a détaillé le cas de la Croatie et a déclaré que les séquences filmées avec des caméras et des drones puissants permettent d’identifier les uniformes des hommes masqués comme étant des vestes de la  Intervention Police. La the Intervention Police est la branche antiémeute de la police croate, dont les vestes sont financées par le Fonds de sécurité intérieure de l’UE. L’organisation a réussi à filmer 11 pushbacks en Croatie. Des constatations similaires ont été faites en Roumanie. En Grèce, Lighthouse Reports a recueilli et analysé 635 vidéos de prétendus pushbacks dans la mer Égée, dont au moins 15 montrant des hommes masqués en action.

 

 

Le rapport a également mis en évidence le recours à la violence de la part des hommes cagoulés, avec plusieurs témoignages de demandeurs d’asile agressés. Les témoignages de policiers impliqués dans les opérations frontalières confirment le recours régulier à la violence. Il est également connu que les effets personnels des migrants sont volés et confisqués, puis brûlés.

L’UE est donc impliquée dans pushbacks perpétrées à la frontière par les polices nationales grâce à son soutien financier et matériel. La politique migratoire de l’UE était déjà très critiquée en raison de sa politique menée aux frontières, en concluant des accords avec des pays tiers comme la Turquie ou la Libye.

Ces politiques internes et externes menées par l’UE et les États membres vont à l’encontre de toutes les valeurs fondamentales de l’UE, du cadre juridique des droits de l’homme de l’UE et des règlements de l’UE sur la migration.

Les migrants repoussés aux frontières peuvent être des réfugiés originaires de pays limitrophes de l’Europe, comme la Turquie, ou des ressortissants de pays tiers (Syrie ou Afghanistan) qui utilisent les pays frontaliers européens comme transit pour atteindre l’Europe. Les refoulements aux frontières de l’UE par les hommes masqués peuvent donc avoir des conséquences tragiques pour les migrants, en particulier pour les réfugiés fuyant les pays frontaliers de l’Europe. Par exemple, si un demandeur d’asile turc fuyant les persécutions du gouvernement turc est repoussé à la frontière grecque, il devra retourner en Turquie, où sa vie pourrait être en danger. Un réfugié syrien repoussé à la frontière européenne pourra continuer sa vie en Turquie. Les armées de l’ombre violent donc le principe de non-refoulement, selon lequel personne ne doit être renvoyé dans un pays où il risque d’être torturé, de subir des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’autres dommages irréparables.

 

[1]OHCHR, “The principle of non-refoulment under international human rights law” (available in https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Migration/GlobalCompactMigration/ThePrincipleNon-RefoulementUnderInternationalHumanRightsLaw.pdf, 14/09/2020)

Photo is taken from https://www.lighthousereports.nl/investigation/unmasking-europes-shadow-armies/

Morgane Bizien

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